Non-exécution d’un verdict du tribunal (affaire Rado Rabarilala (pilote Air Madagascar) et consorts) ; neutralisation de décision de justice déjà définitif (CSPIM contre SAMADA) ; court-circuitage de procédure judiciaire (Kidnapping Arnaud et Annie (tuée)) tels sont entre autres et pêle-mêle les scandales judiciaires qui ont éclaboussé le régime Rajaonarimampianina durant les 5 années de mandats de celui-ci. Des faits qui témoignent de l’état de non-droit qui prévalait lorsque le HVM régnait en maitre dans tous les compartiments de l’appareil étatique y compris celui judiciaire.
Outre sa descente aux enfers qui a conduit à son actuelle « annexion » par sa petite sœur Air Austral, l’affaire Rado Rabarilala et consorts figure parmi les zones de forte turbulence qu’Air Madagascar a traversées durant le mandat chaotique de Hery de Rajaonarimampianina. Sans revenir à la genèse du conflit, rappelons que le volet judiciaire a trait au licenciement du pilote et leader syndical, Rado Rabarilala et de ses compagnons d’infortune, suite à un mouvement de grève déclenchée par ces derniers en 2015. Le litige, après un passage au niveau de l’inspection du travail, a été porté devant le tribunal compétent, à savoir le Conseil d’État, et celui-ci a ordonné la réintégration des plaignants avec, bien entendu, toutes les conséquences de droit qui en découle.
Aussi extraordinaire que cela puisse paraître cependant, durant plusieurs mois, voire années, l’employeur, en l’occurrence Air Madagascar, avait fait impunément la sourde oreille et ce, malgré le fait que la non-exécution d’une décision de justice constitue une infraction pénale, notamment pour le ou les dirigeant(s) de la personne morale incriminé. Cette désinvolture de direction nationale. Cette désinvolture de direction générale de la Compagnie nationale d’alors (un Canadien) ne peut s’expliquer que par le soutien dont il bénéficiait dans les hautes sphères du pouvoir en place à l’époque, qu’elle fait d’ailleurs mainmise total sur les organes décisionnaires d’Air Madagascar. Autrement dit, il était fort à papier que ce refus de se plier au verdict du Tribunal ait été dicté d’en haut lieu, là où l’on soutenait mordicus que le mouvement syndical qui avait secoué la Compagnie nationale avait des dessous politiques. Une mesure de rétorsion et vindicative à l’égard des meneurs de grève, en quelque sorte.
Bizarrerie.
Plus ancienne, l’affaire CSPIM vs SAMADA (respectivement Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle Madagascar d’une part et Société Aéroportuaire de Madagascar d’autre part), bien qu’elle ait également trait à une décision de justice définitive mais qui demeure jusqu’ici non exécutée, est légèrement différente. Pour la compréhension de l’histoire, rappelons que cette affaire a éclaté en octobre 2014 et concerne l’éviction pure et simple de la CSPIM et l’accaparement et la spoliation de tous ses actifs (matériels, installations, avoirs et même le … personnel et ses uniformes !) par la SAMADA. Le tout, du jour au lendemain et sans aucune autre forme de procès. Le litige, purement commercial, a déjà traversé toutes les péripéties de la procédure judiciaire malagasy, à savoir la première instance, l’appel et la cassation et, à toutes ces étapes, la CSPIM a toujours eu gain de cause. Alors qu’il ne restait plus à cette dernière qu’à procéder à l’exécution de la décision judiciaire en sa faveur (voir encadré), coup de théâtre, le ministère de la Justice d’alors émit au dernier moment un PIL ou Pourvoi dans l’Intérêt de la Loi, un acte qui a la particularité de paralyser complètement une décision de justice même déjà définitive.
Une bizarrerie malgache dans la mesure où, même si le PIL existe aussi en droit français, il n’y est mis en œuvre que sur des matières d’une extrême sensibilité (ordre public, sécurité intérieure, défense nationales, etc.), dans tous les cas jamais pour des litiges purement commerciaux, comme celui qui oppose CSPIM à SAMADA. En tout état de cause, aussi bien la brutale phagocytose en toute impunité de la CSPIM par la SAMADA que l’émission miraculeuse et in extremis su PIL en faveur de cette dernière n’aurait pu se faire qu’avec une couverture, voire une complicité venant des hautes sphères de l’Etat.
Hold-Up rocambolesques
Le troisième cas scandaleux, celui relatif à la malheureuse affaire du kidnapping à Toamasina en novembre 2015 des jeunes Arnaud et Annie (fils et nièce d’un homme d’affaire basé dans le capital de l’Est), est sans doute le plus révélateur des dérives auxquelles se livraient les barons de l’ancien régime, du temps de leur tout puissance. Car c’était un véritable affront que ces derniers ont fait subir aux autorités judiciaires De Toamasina alors que celles-ci étaient en pleine instruction de cette scabreuse affaire aux relents de gros sous et de règlement de compte. Sans crier gare en effet, une délégation de personnalités civiles gravitant au sein de la Présidence de la République de l’époque débarque au grand pont de l’Est pour s’emparer, l’on ne sait en vertu de quel titre, de tous les dossiers relatifs à cette affaire criminelle t soustraire les prévenus de la prison où ils étaient détenus, avant d’embarquer le tout en un tournemain vers la Capital.
L’on ignore où La Présidence voulait en venir à travers ce hold-up rocambolesque, totalement en dehors de toute légalité. En l’absence d’explications officielles – d’ailleurs difficiles à fournir tant les faits dépassent l’entendement – d’aucuns seraient enclins à soupçonner que, à travers son intervention spectaculaires, la Présidence de la République voulait tout simplement prendre le contrôle du dossier avant que celui-ci ne remonte cers des personnalités dans son giron. Toujours est-il que la suite de l’affaire allait être des plus nébuleuses. Le public se souviendra seulement de l’arrestation suivi de la libération d’un juge, ainsi que de l’incarcération et la condamnation à la prison à vie de la nommée Roger Lala Stéphanie, laquelle serait le principal (et l’unique ?) cerveau de l’enlèvement des deux adolescents.
Certains des situations ci-dessus ont déjà connu des issues plus ou moins heureuses même si elles ne peuvent qu’avoir laissé des cicatrices douloureuses à leur(s) victime(s). il en est ainsi par exemple du cas des Rado Rabarilala et consorts d’Air Madagascar qui, finalement, ont été réintégrés après plusieurs années de traversée du désert. D’autres affaires, comme celle opposant la CSPIM à la CSPI France-SAMADA ci-dessus ou encore celle tristement célèbre d’Antsakabary (nous y reviendrons), sont toujours en suspens et méritent de ce fait d’être sérieusement considérées par les autorités compétentes actuelles. Ceci, au nom de la « non-continuité de l’Etat de non-droit ».
La Rédaction
Le jugement condamnant la SAMADA, confirmé par la Cour d’Appel et maintenu par la Cour de Cassation.
Le 9 décembre 2015, la Cour d’Appel d’Antananarivo a ordonné l’exécution du jugement rendu le 25 Septembre de la même année par le tribunal de Commerce d’Antananarivo, jugement selon lequel la SAMADA, outre le paiement de près de 4 milliards d’ariary de dommage et intérêts à CSPIM, doit procéder à « la restitution (…) à CSPIM des matériels qui ont été détournés par la SAMADA ainsi que de tous les biens et avoirs dans l’actif de CSPIM spoliés et transférés illégalement chez SAMADA et ce, sous astreinte de 200 000 Ariary par jour de retard » (Sic). La SAMADA a fait un recours en cassation de cet Arrêt de la Cour d’Appel mais a été déboutée. La conséquence est que le jugement du tribunal de commerce ainsi que l’Arrêt de la Cour D’Appel sont devenus désormais exécutoires. Du moins jusqu’au fameux PIL du ministère de la Justice.